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La portée et la limite des pouvoirs d’inspection des inspecteurs municipaux

Publié par Anthony Pierre Freiji PDF

Un arrêt important en matière de délimitation de l’étendue des pouvoirs d’inspecteurs municipaux. Plus particulièrement, cet arrêt confirme la validité constitutionnelle de pouvoirs étendus d’inspection administrative de fonctionnaires municipaux qui ont pour tâche de s’assurer du respect des règlements municipaux...

L’affaire Ville de Montréal c. Constructions Fédérales inc. 1, rendue le 19 mai 2020, est un arrêt important en matière de délimitation de l’étendue des pouvoirs d’inspecteurs municipaux. Plus particulièrement, cet arrêt confirme la validité constitutionnelle de pouvoirs étendus d’inspection administrative de fonctionnaires municipaux qui ont pour tâche de s’assurer du respect des règlements municipaux, et ce, même si certaines inspections peuvent être considérées intrusives.

Dans cette affaire, les préposés du Service d’urbanisme de l’arrondissement visé de la Ville de Montréal (ci­-après la Ville) ont constaté qu’à plusieurs reprises des camions déversaient sur un vaste terrain appartenant à Les Constructions Fédérales inc. (ci­-après l’Intimée) une quantité importante de rem­blai provenant de sites de travaux de démo­lition. Puisque l’accumulation et l’entreposage de tels matériaux de remblai et de débris de chantier de démolition constituaient une acti­vité contrevenant à son règlement de zonage, la Ville a d’abord exigé de l’Intimée de cesser immédiatement de recevoir ces matériaux et a subséquemment informé cette dernière de son intention d’accéder au terrain afin d’y effectuer une expertise en vue de déterminer la composition du sol et le pourcentage de matériaux résiduels. Cette expertise nécessitait la réali­sation de 13 tranchées d’exploration d’une profondeur maximale de 1,2 mètre. L’Intimée avait également reçu un avis de non­conformité à la Loi sur la qualité de l’environnement 2 l’enjoi­gnant de retirer ces matières résiduelles.

L’Intimée s’est opposée à la demande de la Ville puisqu’elle considérait que son droit d’inspec­ ter un immeuble ne l’autorise pas à creuser des tranchées et à prélever des échantillons de sol, puisque cela constitue une perquisition et une saisie illégales non spécifiquement autorisées par un texte de loi et contraire aux articles 8 de la Charte canadienne des droits et libertés 3 et 24.1 de la Charte québécoise des droits et libertés 4
(ci­après, collectivement les Chartes).

La Cour supérieure devait déterminer l’éten­due du pouvoir d’inspection des inspecteurs.

En première instance, le juge Marc St-­Pierre a donné raison à l’Intimée en ce que le Règle­ment 6678 de la Ville (ci-­après le Règlement) n’était pas suffisamment large pour permettre de creuser des tranchées en vue de prélever des échantillons à des fins d’analyse pour la préparation d’une expertise. Pour ce faire, le juge a analysé des dispositions législatives des­ quelles découlent de tels pouvoirs d’inspection et a déterminé, en adoptant une interprétation stricte du Règlement que celui­ci n’accorde pas de pouvoirs de faire des excavations ou des forages, contrairement à d’autres intervenants pouvant agir en pareilles circonstances, notam­ment les proposés autorisés du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques5. En effet, le Règlement ne permet que de « pénétrer dans tout lieu, le visiter et l’examiner pour les fins des règlements qu’il est chargé d’appliquer ».

La Cour d’appel, sous la plume du juge Stéphane Sansfaçon, a infirmé la décision de première instance et a retenu le raisonnement de la Ville, soit que le Règlement, adopté en application de l’article 411 de la Loi sur les cités et villes 6, lui donne le pouvoir de faire les inspections demandées afin d’assurer le respect de son règlement de zonage. Ainsi, la Cour d’appel a confirmé ses enseignements antérieurs dans les affaires Amzallag c. Ville de Sainte­ Agathe­des­ Monts 7, Rossdeutscher c. Ville de Montréal 8 et Doucet c. Ville de Saint-­Eustache 9, en ce qu’une inspection administrative, même sans autorisation préa­lable et sans préavis, n’est pas en soi abusive au sens des Chartes.

Il s’agit d’une décision fondamentale dans la sphère municipale, puisqu’elle reconnaît la validité constitutionnelle des pouvoirs d’inspection des fonctionnaires municipaux et les outille dans leur mission d’assurer le respect des règlements municipaux, et ce, même lorsqu’il s’agit d’entamer des travaux d’excavation intrusifs en vue de recueillir des échantillons. Sans ces pouvoirs, les règlements perdraient de leur efficacité, ce qui n’est pas souhaitable considérant l’objectif de la réglementation municipale et les pouvoirs larges octroyés aux municipalités 10.

La Cour d’appel souligne d’ailleurs ce qui suit:

[36] La lecture que le juge fait de ce pou­ voir habilitant amène comme résultat que les officiers municipaux chargés des inspections ne pourraient se rendre sur le terrain qu’aux seules fins de regarder ce qui y est visible à l’œil nu et le prendre en photo. Or, une telle lecture rend l’examen des lieux vide de sens et ainsi s’écarte de l’intention du législateur. Les normes et règles adoptées par les muni­ cipalités portent sur un nombre sans cesse croissant d’activités, et ce, dans l’intérêt public. On peut sans difficulté imaginer des situations où la vérification du respect d’une norme municipale implique que l’inspecteur doive poser des gestes plus intrusifs que le simple coup d’oeil, tels, par exemple, lors de la construction d’un bâtiment, l’ouverture de murs afin de vérifier la conformité aux normes de résistance contre le feu, ou encore la conformité de la pose des matériaux d’isolation des murs et plafonds, de la plomberie ou des installations électriques, sans que de tels gestes soient qualifiés d’intrusions illégales de la vie privée.
[…]

[38] En l’espèce, vu l’importance du remblai, tant en termes de surface recouverte que de volume, et vu la teneur du règlement de zonage qui interdit l’entreposage, l’enfouissement ou l’élimination de déchets de construction, de rénovation et de démolition dans la zone où est situé le terrain de l’Intimée, l’examen du contenu du remblai de même que l’emploi d’un équipement lourd afin de le réaliser se justifient pleinement, d’autant plus qu’aucune démonstration n’a été faite que son emploi serait démesuré ou que celui d’un autre outil ou qu’une autre méthode moins intrusive permettrait d’atteindre le même résultat.

Il s’agit d’une illustration parfaite que l’autori­sation de faire une chose comporte tous les pouvoirs nécessaires à cette fin, de sorte que le pouvoir d’inspection des municipalités inclut celui de poser les gestes utiles à cette fin 11. Il n’en demeure pas moins que l’inspecteur municipal doit exercer ses pouvoirs en vertu d’une habilitation législative ou règlemen­ taire, et qu’en cas de doute, obtenir une ordon­ nance de la Cour. Néanmoins, il est clair qu’une inspection ne peut constituer une perquisi­ tion ou une saisie abusive lorsqu’une activité reprochée, en l’espèce le dépôt de débris, est réglementée par un règlement de zonage compétence qui avait été établie, en 2001, par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Spraytech6. D’autre part, elle a confirmé la compé­ tence de la Municipalité de régir les engrais en vertu de l’article 19 de la Loi sur les compétences municipales, ce qui n’avait pas préalablement été établi par les tribunaux.

  1. 2020 QCCA 650 (ci-après le « Jugement »).
  2. RLRQ, c. Q-2 [ci-après la (« LQE »)].
  3. Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
  4. RLRQ, c. C-12.
  5. À l’instar des pouvoirs énoncés à l’article 119 de la LQE.
  6. RLRQ, c. C-19 [ci-après la (« LCV »)]. Cette disposition habilite les villes à adopter des règlements qui autorisent leurs officiers à vis- iter et à examiner tout lieu pour constater si les règlements y sont respectés.
  7. 2018 QCCA 1439.
  8. 2017 QCCA 1876.
  9. 2018 QCCA 282.
  10. Art. 411 LCV (et similairement l’article 492 du Code municipal du Québec, RLRQ c C-27.1). À noter que la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur la portée de l’article 95 de la Loi sur les compétences municipales, RLRQ, c. C-47.1 ni sur le fait que ces travaux peuvent être qualifiés de « travaux nécessaires à l’exercice de ses compétences » au sens de cette loi.
  11. Paragr. 37 du jugement; article 57 de la Loi d’interprétation, RLRQ, c. I-16.

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