Lorsqu’il est question d’infractions pénales, les avocats ont souvent le premier réflexe de conclure que celles-ci sont d’interprétation restrictive ou stricte. Or, la Cour supérieure[1] nous rappelait récemment que même en matière pénale, c’était la méthode moderne d’interprétation des lois qu’il fallait adopter, c’est-à-dire qu’il faut : « lire les termes d’une loi dans leur contexte global et suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[2]. Le principe de l’interprétation restrictive des lois pénales n’a toutefois pas été écarté, il est plutôt devenu subsidiaire. Ainsi, l’interprétation stricte des lois pénales ne s’appliquera que si le sens d’une disposition demeure ambigu après avoir procédé à une interprétation contextuelle et téléologique du texte du règlement.
Il est donc essentiel d’identifier l’objet et la nature de la loi, soit l’intention du législateur, afin de déterminer l’existence d’une ambiguïté avant de décider du rôle que pourra jouer la règle de l’interprétation stricte des lois pénales. Ceci est particulièrement vrai lorsque la disposition à interpréter porte sur une question environnementale.
C’est ainsi que dans une décision toute récente[3], un juge confronté à l’interprétation d’un texte d’infraction en matière d’environnement, n’a ni utilisé la méthode moderne, ni la méthode restrictive subsidiaire, mais bien plutôt l’interprétation large et libérale vu l’objet et le but de la loi. Aux arguments voulant que le règlement était ultra vires, imprécis et par conséquent excessif, le juge répond :
« [25] Les tribunaux ont eu à interpréter les pouvoirs habilitants des organismes publics en matière environnementale et reconnaissent qu’une interprétation large et libérale doit leur être accordée.
[114] En ces temps où notre société est régulièrement confrontée à des questions fondamentales d’ordre écologique, lorsque les enjeux nécessitent de juger de la portée d’une décision de l’État rendue en cette matière ou encore d’interpréter une législation à caractère environnemental, je n’hésite pas à dire, en cas de doute et dans les limites des attributions conférées aux tribunaux, qu’il y a lieu de privilégier toute interprétation favorisant le plein épanouissement du droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à sa sauvegarde[4].
[51] En d’autres termes, il est souhaitable qu’en matière environnementale, le législateur adopte une approche générale et large pour prévenir des atteintes à l’environnement qui n’auraient pas été envisagées au départ afin de s’attribuer une souplesse d’application nécessaire dans la poursuite légitime de la protection de l’environnement. »
Dans cette affaire, l’accusation était basée sur un texte du règlement de la CMM sur les rejets à l’atmosphère[5] qui interdit les émissions provenant notamment de la manutention et du traitement de toute matière et qui serait visible à plus de 2 mètres de leur lieu d’émission et hors de la propriété.
Après avoir rejeté les arguments relatifs à la validité du règlement en s’appuyant principalement sur l’interprétation large et libérale des lois en matière d’environnement, le Juge rejette aussi la défense de diligence raisonnable de la défenderesse. Ainsi, bien qu’il constate que des investissements de plus de 500 000 $ ont été faits par la défenderesse pour diminuer ses émissions de poussières entre 2010 et 2017, le juge conclut :
« [69] La diligence raisonnable ne se limite pas à faire la nomenclature d’équipements servant à éviter de commettre une infraction; encore faut-il démontrer que ceux-ci sont fonctionnels et qu’ils sont utilisés à chaque fois que l’on est susceptible de transgresser la norme qui nous est applicable, ce que la défenderesse a fait défaut de prouver. »
Ce dossier ayant été porté en appel, il s’agira d’une belle occasion pour les tribunaux supérieurs du Québec de confirmer le principe de l’interprétation large et libérale des textes d’infractions en matière d’environnement[6].
[1] 9278-0462 Québec inc. c. Montréal (Ville de), 2016 QCCS 4431
[2] Elmer A. Driedger, The Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, p. 87
[3] Communauté métropolitaine de Montréal c. Fer & Métaux, 2020 QCCM 100, Cour municipale de Montréal, portée en appel le 13 octobre 2020 (C.S. 500 36009736 201)
[4] Québec (Procureur général) c. Gestion environnementale Nord-Sud inc., 2012 QCCA 357
[5] CMM règlement 2001-10
[6] Ce principe a notamment été reconnu par la Cour suprême dans Dynamitage Castonguay Ltée c. Ontario (Environnement), 2013 CSC 52