«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme»…les centres de déchets qui débordent et les centres de tri qui peinent à traiter des quantités astronomiques de matières prouvent plutôt le contraire. Quotidiennement, les municipalités sont appelées à effectuer la gestion des matières résiduelles des Québécois : une tâche de plus en plus lourde à assumer. Le projet de loi 65 adopté le 11 mars 2021, ou la Loi modifiant principalement la Loi sur la qualité de l’environnement en matière de consigne et de collecte sélective, vise à régler cette problématique, notamment en attribuant une responsabilité plus grande aux entreprises privées, grandes productrices d’emballages et de contenants qui aboutissent presque inévitablement dans des dépotoirs. Ce projet de loi s’inclut dans un mouvement vers une économie circulaire.
Victoire pour la Ville de Drummondville
Il convient d’abord de souligner les bons coups des municipalités pour la protection de l’environnement. Le 26 février 2021, l’honorable juge de la Cour supérieure, Christian Immer, donnait raison à la Ville de Drummondville dans le cadre d’un litige environnemental contre la compagnie Waste Management inc. (WM). Dans cette affaire, WM exige de la Ville un changement de zonage afin d’agrandir son centre d’enfouissement, alors que celui-ci atteindra sous peu sa capacité maximale. Il s’agit d’un changement de zonage que la Ville persiste toutefois à lui refuser, ce qui la mènera devant les tribunaux. La Cour supérieure reconnaît, heureusement, dans la décision WM Québec inc. c. Ville de Drummondville, l’importance de la réglementation municipale dans la mise en place et l’opération d’un lieu d’enfouissement technique (LET). Le gouvernement du Québec fait notamment l’objet de reproches, dans le cadre de ce dossier, pour avoir émis un certificat d’autorisation à WM, lui permettant de procéder à l’agrandissement de son site, et ce malgré les procédures judiciaires alors déjà en cours. Finalement, la Cour considère que le refus de la Ville de modifier son zonage est une décision raisonnable et que la Ville respecte la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. La Ville, la MRC et ses habitants peuvent donc souffler un peu face à cette victoire, malgré la possibilité que la décision soit portée en appel.
Transition vers une économie circulaire
Les municipalités et le gouvernement tendent de plus en plus vers l’adoption de mesures alignées avec une économie circulaire. En quoi consiste-t-elle exactement? L’économie circulaire est « un système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités»1 . Ce type d’économie est donc une alternative à l’économie linéaire, dominante actuellement, qui mise sur la production, la consommation et l’élimination2 . Pour mettre fin à la crise des déchets et aux changements climatiques, il est nécessaire de procéder à un changement de paradigme : nous devons réutiliser et non jeter. Une économie circulaire permettrait également «d’accroître le nombre d’emplois, de pousser à la hausse le PIB et de favoriser le développement de nouveaux marchés», selon l’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire de l’Université de Montréal3 . Le projet de loi 65 constitue un premier pas vers ce changement.
Projet de loi 65 : un poids de moins pour les municipalités
La nouvelle loi vise d’abord à moderniser la consigne et la collecte sélectives. Elle vient notamment permettre au gouvernement d’élargir la consigne des tous les contenants de 100 millilitres à 2 litres, dont les contenants de lait et les bouteilles de vin4. Le point le plus marquant du projet de loi 65 demeure l’introduction de l’approche de la responsabilité élargie des producteurs (REP). Cette approche vise à transférer aux entreprises productrices de déchets la responsabilité de la gestion des matières résiduelles engendrée par la consommation de leurs produits, notamment vis-à-vis leur suremballage5.Actuellement, les produits visés par la REP au Québec sont, entre autres, les produits électroniques et les batteries6. La nouvelle loi donne les pouvoirs au gouvernement provincial de créer un organisme de gestion désigné (OGD) qui représentera les entreprises et qui sera financé par eux. L’OGD sera chargé d’élaborer, de mettre en œuvre et de financer un système de collecte sélective de certaines matières résiduelles. Cet organisme œuvrera donc en partenariat avec les municipalités, par le biais de contrats qui seront imposés par le gouvernement. Tous les contrats municipaux devront être conclus avec l’OGD au 31 décembre 2024. Il ne reste qu’à espérer que la loi mène le Québec vers une gestion plus durable de ses matières, dans laquelle chacun assume sa part des responsabilités.