Ayant maintenant traversé plus de dix-huit mois de crise sanitaire, parsemée de mesures de confinement qui auront comporté
notamment d’importantes mesures de protection sanitaires, la suspension de nombreux services et activités, des fermetures de
commerces et des couvre-feux, la situation a pu évoluer positivement avec l’arrivée des vaccins. Bien qu’ils ne solutionnent pas tout,
ils s’avèrent, à ce jour, la mesure la plus efficace pour freiner la contagion par le coronavirus.
Les milieux de travail souhaitent tous maintenant se rapprocher d’un retour à une certaine normalité, ce qui inclut nécessairement
un retour des employés en milieu de travail. Aussi, puisque l’efficacité des vaccins à la fois sur la transmission du virus et sur les
effets qu’ils peuvent avoir sur une personne qui a été adéquatement vaccinée et, puisque la vaccination participe à l’atteinte de
l’immunisation collective, il est légitime pour un employeur d’y voir là une mesure qui devrait s’imposer à tous ses employés.
En effet, il est bien entendu dans l’intérêt pour un employeur, comme les Villes et Municipalités, de voir revenir tous leurs employés
sur les lieux du travail, afin de pouvoir desservir la population le plus efficacement possible. Aussi, il revient à l’employeur, par son
droit de direction, de décider des lieux d’exécution du travail.
Dans ce contexte, au regard de la Loi, tout employeur se doit d’assurer à tous ses employés, et donc au public en général, un milieu
de travail sain et sécuritaire, en vertu notamment du Code civil du Québec et de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Cette
dernière impose même à tout employé de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé et sa sécurité et de veiller à ne
pas mettre en danger celle des autres personnes sur les lieux du travail.
Dès lors, un employeur qui rappelle sur les lieux du travail ses employés devrait prendre toutes les mesures qui s’imposent pour
satisfaire à ce qui précède. La vaccination obligatoire pour se présenter sur les lieux du travail semble ici s’imposer comme une
évidence.
D’ailleurs, Québec a imposé aux employés de la Santé cette mesure, le Gouvernement fédéral compte l’imposer aussi à tous ses
fonctionnaires et diverses grandes entreprises ont emboîté le pas. On comprend cependant que cette prise de position relève du
choix propre à chacun de ces derniers.
Or, les Villes et Municipalités peuvent-elles s’autoriser une telle mesure?
L’intention peut s’avérer légitime, mais les moyens pour y parvenir comportent leur lot de difficultés… En effet, le Code civil du
Québec, la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés garantissent à tout citoyen le
droit à la sécurité, à l’intégrité de sa personne et de refuser tout traitement. Tout citoyen peut ainsi refuser de se faire vacciner.
Les Chartes permettent cependant dans certaines circonstances de contrevenir à certains droits, si le tout se justifie notamment
dans une société libre et démocratique. On ne dispose cependant pas à ce jour d’une décision judiciaire qui pourrait avoir eu à
trancher la question à savoir si la vaccination obligatoire se justifierait en vertu des Chartes.
Donc, au moment d’écrire ces lignes, on doit, de prime abord, considérer que la vaccination obligatoire contrevient aux droits et
libertés des employés.
Cette contravention doit cependant coexister avec les mesures de prévention qui s’imposent à tout employeur, dont les Villes et
Municipalités. Ces dernières doivent dès lors rivaliser d’une certaine imagination pour satisfaire leurs obligations de prévention, tout
en respectant les droits et libertés individuelles de leurs employés.
Une politique pourrait en effet, selon nous, amener toute personne qui doit se présenter sur les lieux du travail à ce qu’elle soit
adéquatement vaccinée, spécialement si elle est en contact rapproché avec des collègues ou le public en général.
La politique devra cependant permettre divers accommodements, au cas par cas. En effet, elle doit permettre notamment de
composer avec des personnes qui, pour des raisons justifiées de santé ou possiblement de croyances religieuses, ne peuvent être
vaccinées. Aussi, si pour l’exécution de certaines fonctions, le télétravail est possible, il peut devoir être considéré. Dans l’absolu, des
solutions de rechange peuvent aussi devoir être envisagées et passer, entre autres, par l’imposition systématique de tests de
dépistage à intervalles réguliers.
Enfin, le traitement de tout renseignement de santé géré dans ce contexte devra s’effectuer dans la plus stricte confidentialité, telle
que le prévoit la Loi en semblable matière.
Une politique claire, cohérente et bien diffusée pourrait selon nous, si elle est bien balisée, mener à l’atteinte de ces objectifs.