Dans cette chronique, nous allons survoler quelques enjeux juridiques relatifs au manque de respect dans les communications dans le domaine municipal...
Les débats entre adversaires politiques dans les municipalités sont souvent passionnés. Il arrive parfois que des conflits internes surviennent entre employés municipaux ou avec les élus. Des citoyens en colère cherchent souvent à faire connaître leur mécontentement au personnel municipal. Dans toutes ces situations, il n’est pas rare d’entendre des personnes se manquer de respect l’une envers l’autre dans leurs communications.
Dans cette chronique, nous allons survoler quelques enjeux juridiques relatifs au manque de respect dans les communications dans le domaine municipal.
Le code d’éthique et de déontologie des élus municipaux
Plusieurs municipalités ont adopté un code d’éthique qui contient une règle obligeant les membres du conseil à agir et à s’adresser avec respect à l’égard de leur(s) interlocuteur(s), lorsqu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions.
Pour la Commission municipale, une règle claire et précise imposant cette obligation de respect est essentielle pour qu’une plainte contre un élu pour manque de respect soit recevable. L’énoncé de principe sur la valeur du respect, qui se retrouve au début de
tous les codes d’éthique, ne suffit pas pour donner ouverture à une plainte.
Dans l’affaire Derome[1], la Commission municipale a considéré qu’une conseillère avait manqué à son obligation de respect lors des caucus du conseil, en criant après le maire et en lui ordonnant de « cesser de texter ». Ensuite, lors d’une séance publique du conseil, elle avait interrompu sans cesse les autres membres du conseil et faisait preuve d’agressivité, notamment en frappant avec ses poings sur la table. La conseillère a reçu une suspension de 15 jours pour ses manquements à l’obligation de respect.
Dans sa décision, la Commission municipale expose ainsi les principes applicables en matière de plaintes relatives à l’obligation de respect :
« [38] […] Dans un contexte politique, le respect ne correspond pas nécessairement à un sentiment d’estime et d’admiration à l’égard d’un tiers. En effet, on ne peut demander à un élu d’avoir de l’estime et de l’admiration pour ses adversaires politiques. Cependant, il est possible de demander à un élu de s’adresser à un adversaire politique en respectant
certaines règles de courtoisie, notamment en évitant d’utiliser des propos injurieux et violents qui visent directement l’interlocuteur.
[…]
[57] Malgré les définitions possibles et l’analyse de la jurisprudence, le manquement à une obligation de respect demeure toujours une question de fait applicable à chaque cas en fonction du contexte où l’acte reproché a été posé. Par conséquent, pour déterminer si un élu a manqué de respect envers un tiers, ce n’est pas seulement la nature de ses propos qui doit être prise en considération, mais également les gestes des interlocuteurs, le niveau de leur rapport, le ton employé, le lieu de leur échange, le climat et l’ambiance entourant leur discussion. Il faut nécessairement procéder à une analyse contextuelle et ne pas se limiter seulement aux mots prononcés ou aux gestes posés par l’élue. »
Le Projet de loi 49, présenté au mois de novembre 2019, proposait d’ajouter l’obligation pour toutes les municipalités d’adopter dans leur code d’éthique une règle interdisant à tout membre du conseil « de se comporter de façon irrespectueuse envers les autres membres du conseil municipal, les employés municipaux ou les citoyens par l’emploi, notamment, de paroles, d’écrits ou de gestes vexatoires, dénigrants ou intimidants ».
L’adoption de ce Projet de loi n’a toutefois pas encore progressé et il est encore loin d’être en vigueur, s’il n’a pas tout simplement été abandonné. Ainsi, les municipalités n’ont pour l’instant aucune obligation à cet égard, mais elles demeurent libres d’ajouter une règle sur le respect dans leur code d’éthique, afin de donner juridiction à la Commission municipale pour sanctionner un membre du conseil en cas de comportement irrespectueux dans l’exercice de
ses fonctions.
La protection contre le harcèlement psychologique.
Lorsqu’un membre du conseil ou un officier municipal manque de respect à l’endroit d’un employé municipal, cela peut donner ouverture à une plainte pour harcèlement psychologique en vertu de la Loi sur les normes du travail. Par exemple, dans l’affaire
Notre-Dame-des-Monts[2], le maire avait traité un employé de « pomme pourrie » en séance publique du conseil, ce qui a été considéré suffisamment grave pour que ce seul événement constitue une conduite de harcèlement psychologique.
Par ailleurs, des citoyens peuvent être agressifs et irrespectueux lorsqu’ils communiquent avec les employés municipaux par téléphone, au comptoir en personne, ou encore par écrit. D’autres citoyens peuvent publier sur les médias sociaux des commentaires vexants et dénigrants à l’endroit des employés municipaux. En tant qu’employeur, la municipalité doit agir afin de prévenir et faire cesser le harcèlement psychologique à l’endroit de ses employés
et ce, même si le harcèlement provient de tiers, comme les citoyens ou des fournisseurs par exemple.
Les municipalités ont ainsi le pouvoir, et même en certaines circonstances le devoir, de transmettre une lettre d’avertissement au citoyen concerné pour l’enjoindre de cesser toute communication inappropriée à l’endroit des employés municipaux, qui ont le droit de
travailler dans un milieu de travail sécuritaire et respectueux.
En effet, un climat respectueux entre tous les intervenants dans la municipalité favorise grandement une saine administration municipale et permet d’éviter des plaintes qui peuvent s’avérer longues et coûteuses à débattre devant les tribunaux.