Le 26 mai 2020, la Cour supérieure a rendu une décision importante dans l’affaire Envac Systèmes Canada inc. c. Ville de Montréal[1], appliquant les principes dégagés par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ville de Montréal c. Octane Stratégie inc.[2] au sujet de la répétition de l’indu. Plus particulièrement, en matière municipale, avant d’accueillir une telle réclamation, une analyse rigoureuse du contexte particulier de chaque affaire est de mise.
En l’espèce, dans le cadre du projet de réaménagement du Quartier des spectacles (ci-après le « Quartier »), la Ville de Montréal (ci-après la « Ville ») a décidé d’implanter un système de collecte de déchets pneumatique, nécessitant l’installation de conduites souterraines. Compte tenu de l’urgence à procéder rapidement, la Ville adopta une série de résolutions pour mandater Envac Systèmes Canada inc. (ci-après « Envac »), pour procéder à certains achats et travaux, le tout dans l’optique de signer éventuellement un contrat global couvrant l’ensemble du Quartier. Parallèlement, diverses représentations ont été faites de part et d’autre pour conclure un tel contrat, sans toutefois que ce dernier ne se concrétise, et ce, alors qu’Envac a procédé à divers travaux.
Considérant que le Ville refusait de payer en soulevant l’absence de fondement juridique de la réclamation d’Envac, cette dernière a réclamé solidairement de la Ville et de la Société AGIL OBNL, la somme non-négligeable de 464 961,36$ pour des matériaux livrés, des services rendus et des frais encourus.
Bien qu’Envac fondait sa demande sur l’existence d’un contrat d’entreprise, en se fiant notamment sur les enseignements de l’affaire Octane[3], la Cour a réitéré que l’absence d’une résolution ou d’un règlement de délégation est fatale pour la formation d’un contrat. Le même raisonnement s’applique aussi en matière de modification contractuelle.
Toutefois, malgré l’absence d’un contrat, il n’en demeurait pas moins qu’en raison des représentations et du comportement de la Ville, Envac a été rassurée quant à la conclusion prochaine dudit contrat global, étant dès lors convaincue de fournir une prestation contre paiement au-delà de ce qui avait été formellement octroyé par la Ville[4].
Ainsi, après avoir rappelé les critères d’ouverture de la répétition de l’indu[5], la Cour a conclu qu’Envac avait droit à la somme réclamée en vertu de ce chef de dommages, à l’exception de la valeur des équipements non installés.
Finalement, à l’instar de l’affaire Octane, la Cour a appliqué la prescription de trois (3) ans au recours en répétition de l’indu, soit le moment de l’exécution de la prestation, et a donc rejeté le recours sur cette base. De plus, la Cour n’a pas accueilli l’argument selon lequel les fonctionnaires de la Ville lui ont fait des représentations venant interrompre la prescription.
En conséquence, malgré l’absence d’un contrat valablement conclu, les divers acteurs actifs dans la sphère municipale doivent tenir compte qu’un tribunal pourrait néanmoins retenir un argument fondé sur la répétition de l’indu en fonction du contexte particulier de chaque dossier[6].
[1] 2020 QCCS 1758 (ci-après le « jugement »).
[2] 2019 CSC 57.
[3] Au paragr. 98 du jugement, la Cour fait référence aux principes énoncés par l’arrêt Ville de Saguenay c. Construction Unibec inc., 2019 QCCA 38, paragr. 35.
[4] Jugement, paragr. 132 et 133.
[5] Les critères étant : (1) l’existence d’un paiement; (2) l’absence de dette entre les parties; et (3) un paiement fait par erreur ou pour éviter un préjudice.
[6] Entre autres, si une situation d’urgence ou de confusion est présente, si des représentations et gestes répétitifs rassurants proviennent de la Ville et si cette dernière en retire un avantage.