L’inscription sur le registre de l’AMF est très importante pour toute entreprise désirant obtenir des contrats publics, dont des contrats avec des municipalités. Rappelons que depuis le 24 octobre 2014, une telle autorisation est nécessaire pour conclure tout contrat ou sous-contrat d’une valeur supérieure à 5 millions de dollars (décret 796-2014). Pour la Ville de Montréal, ce seuil est fixé à 100 000,00$ pour la majorité des contrats de construction et à 25 000,00$ pour les sous-contrats (décret 795-2014).
Le mécanisme d’octroi des autorisations fait appel à un large pouvoir discrétionnaire de l’AMF qui vérifie en quelque sorte l’intégrité de l’entreprise concernée. Le critère pour obtenir une autorisation et éviter sa révocation est formulé de façon très large. Ainsi, l’AMF peut refuser d’accorder ou de renouveler une autorisation ou la révoquer si l’entreprise ne satisfait pas aux exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre d’une partie à un contrat public ou à un sous-contrat public (article 21.27 de la Loi).
La Loi mentionne certains éléments dont peut tenir compte l’AMF, comme le fait qu’une entreprise a, de façon répétitive, éludé ou tenté d’éluder l’observation de la loi dans le cours de ses affaires (article 21.28 (60) de la Loi).
La décision de l’AMF est lourde de conséquences : l’entreprise qui se voit refuser une autorisation pourrait voir son nom inscrit sur le registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA) pour une période de 5 ans. Qui plus est, la Loi ne prévoit pas d’appel de la décision rendue par l’AMF.
Ceci n’empêche toutefois pas une entreprise insatisfaite du sort que lui réserve l’AMF de s’adresser à la Cour supérieure en vertu du pouvoir de surveillance et de contrôle de cette dernière. Le tribunal n’examinera alors toutefois pas si la décision prise par l’AMF est la bonne décision, mais simplement si cette décision était raisonnable dans les circonstances. Autrement dit, l’AMF a droit à l’erreur dans l’octroi ou non d’une autorisation.
Nous retrouvons un exemple de cette analyse dans Ali Excavation c. AMF[1] où l’entreprise contestait certains des motifs à l’appui de la décision de l’AMF de ne pas lui accorder une autorisation. Dans son jugement, la Cour supérieure précise que ce n’est pas chacun des motifs pris individuellement qui doit être qualifié de «déraisonnable», mais la décision dans son ensemble. Ainsi, même si l’AMF commet des erreurs dans la manière de traiter certains motifs, cela ne rend pas automatique sa décision déraisonnable. En l’occurrence, le recours de Ali Excavation est rejeté et le refus de l’AMF maintenu.
La Cour supérieure sera toutefois plus exigeante envers l’AMF si l’entreprise, qui a échoué dans sa tentative d’obtenir une autorisation, se plaint d’un manquement à l’équité procédurale. Dans cette matière, l’AMF n’aura pas droit à l’erreur.
Le plus souvent, une entreprise se plaindra de ne pas avoir été entendue par l’AMF ou de ne pas avoir pu se défendre convenablement. Tel fut le cas dans l’affaire Terra Location c. AMF[2] où l’AMF reprochait à Terra Location d’avoir fait affaire avec deux sous-traitants identifiés par Revenu Québec comme étant des fournisseurs de factures de complaisance. Or, malgré plusieurs demandes de l’entreprise, l’AMF n’aurait jamais fourni l’information quant à l’identité des sous-traitants concernés. Terra Location a donc plaidé avec succès que ceci la plaçait dans une situation où il était impossible de se défendre. Selon la Cour, il s’agit ici d’un manquement aux règles d’équité procédurale qui entraine la nullité de la décision de l’AMF à l’endroit de l’entreprise.
En conclusion, il faut retenir que l’AMF jouit d’une très grande latitude dans l’examen des circonstances particulières de chaque entreprise dans sa décision de lui octroyer ou non une autorisation. Malgré cette grande discrétion, l’AMF doit toutefois s’assurer que le processus demeure juste et équitable pour l’entreprise concernée, à défaut de quoi ses décisions pourront être contestées avec succès en Cour supérieure.
[1] 2015 QCCS 939
[2] 2015 QCCS 509
URBA, Mai 2015, Vol. 36, no. 2, p. 58