Le juge Cullen rappelait ce principe de la façon suivante dans une décision récente1 :
« [23] Il appert, à première vue, que la Ville était libre de fixer les spécifications des équipements qu’elle recherchait, y compris d’exiger un produit fabriqué par une société spécifiée ou un équivalent fonctionnel de quelque marque que ce soit. La Ville était également libre, à première vue, de déterminer toutes les conditions auxquelles l’équivalence pouvait être reconnue. »
Dans son volume portant sur les contrats municipaux, Me André Langlois exprime la même idée de la façon suivante2 :
« Elle [la jurisprudence] accorde une très grande liberté dans la description du produit que l’organisme municipal souhaite recevoir. Cette jurisprudence a ainsi reconnu valide l’utilisation de marques précises et, même dans un cas, le choix d’un produit faisant l’objet d’un monopole de distribution dans la région de l’organisme municipal. »
Lorsque la Municipalité exige un produit ou une marque spécifique, elle pourra, pour assurer une plus grande concurrence, prévoir la possibilité pour le soumissionnaire de présenter une demande d’équivalence. Dans ce cas, il faudra s’assurer que le document d’appel d’offres explique bien la procédure à suivre pour qu’une demande d’équivalence puisse être présentée et acceptée par l’organisme municipal.
Lorsque le document d’appel d’offres réfère à une marque précise, mais prévoit la possibilité de faire une demande d’équivalence, toujours faut-il que le soumissionnaire qui désire offrir une autre marque suive la procédure appropriée. C’est ce qui ressort de l’affaire Pomerleau c. Société de transport de Montréal3. Dans cette affaire, la Société de transport de Montréal avait adjugé un contrat pour la construction d’un garage suite à un appel d’offres qui mentionnait spécifiquement que les commandes du système de contrôle de l’air ambiant devaient être de marque Westinghouse. La soumission de Pomerleau qui prévoyait plutôt la fourniture de commandes de marque Landis & Gyr a par conséquent été écartée. Il faut voir que le plus bas soumissionnaire retenu avait prévu un montant de 1 350 000$ pour des commandes de marque Westinghouse alors que la soumission de Pomerleau prévoyait un montant de 425 000$ pour des commandes de marque Landis & Gyr. Il ressort de l’analyse du tribunal que Pomerleau n’avait pas suivi la procédure prévue aux documents d’appel d’offres pour faire une demande d’équivalence de sorte que le rejet de sa soumission était justifié. Par un curieux hasard, après l’adjudication du contrat et pendant l’exécution des travaux, la STM a elle-même substitué des produits de marque Landis & Gyr à ceux de marque Westinghouse afin de diminuer ses coûts de construction. Pomerleau a poursuivi la STM en prétextant que le contrat aurait dû lui être octroyé ou qu’à tout le moins la Société de transport aurait dû retourner en appel d’offres lorsqu’elle a substitué les équipements demandés dans le document d’appel d’offres par ceux que Pomerleau avait elle-même prévus à sa soumission. Or, il n’en fut rien et le tribunal rejeta la demande de Pomerleau en confirmant le principe à l’effet qu’un organisme peut prévoir de façon précise jusqu’à la marque d’un équipement demandé… et ce, même si elle le substitue par la suite!
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1 Descimco inc. c. Saint-Hyacinthe (Ville de), 2013 QCCS 1150.
2 André Langlois, Les contrats municipaux par demandes de soumissions, 3e Éd. Éditions Yvon Blais, page. 177.
3 2011 QCCS 1579.