Dans cette affaire, la Municipalité de Saint-Liguori avait décidé de rejeter les trois soumissions reçues à l’été 2011 suite à un appel d’offres pour le déneigement des voies publiques situées sur son territoire. L’annulation de la procédure et le retour en appel d’offres étaient ici justifiés par le défaut de la Municipalité de reproduire dans ses documents d’appel d’offres certains articles de sa politique de gestion contractuelle adoptée conformément à l’article 938.1.2 du Code municipal du Québec. Par conséquent, aucune des trois soumissions reçues ne contenait l’affirmation du soumissionnaire à l’effet qu’il avait respecté la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme et d’autre part, aucune ne contenait la déclaration suivant laquelle il n’avait pas eu de communication visant à influer sur l’attribution du contrat. La Municipalité publie un nouvel appel d’offres contenant cette fois les mentions exigées par sa nouvelle politique de gestion contractuelle.
9153-5955 Québec inc., qui était le plus bas soumissionnaire avec une soumission de 618 362$, se fait alors devancer par Entreprise Brouillette et fils inc. qui dépose elle aussi une deuxième soumission, mais, cette fois, à un prix moins élevé de 590 755$. Le contrat est donc adjugé à cette dernière et 9153-5955 Québec inc. réclame 88 169$ pour sa perte de profits. Elle prétend que le défaut d’inclure les mentions exigées par la politique de gestion contractuelle au premier appel d’offres était une irrégularité mineure qui pouvait être corrigée sans retourner en appel d’offres.
Dans son analyse, la Cour rappelle que le Code municipal du Québec n’impose pas aux municipalités l’obligation d’inclure une demande de fournir quelque attestation que ce soit dans ses documents d’appel d’offres.
Par contre, la plupart des municipalités ont adopté une politique de gestion contractuelle qui exige que soient jointes aux soumissions différentes déclarations du soumissionnaire dont le défaut entraîne le rejet de la soumission. Dans sa décision, la Cour supérieure revoit la jurisprudence qui reconnait aux municipalités une grande discrétion d’accorder ou non un contrat ou de retourner en appel d’offres. Selon cette jurisprudence, la municipalité doit motiver sa décision et elle ne peut retourner en appel d’offres sans motif valable ou pire encore, simplement pour éviter de donner le contrat au plus bas soumissionnaire qui est considéré comme indésirable par la municipalité.
Ceci étant dit, la jurisprudence n’est pas très exigeante quant au « motif valable » qui peut justifier le rejet de toutes les soumissions et le retour en appel d’offres, dans la mesure où la municipalité fait preuve de bonne foi. En l’occurrence, le Tribunal décide que l’erreur contenue au document d’appel d’offres, soit l’absence de référence à sa politique de gestion contractuelle, constitue un motif valable et suffisant pour justifier la décision de la Municipalité d’annuler le processus et de recommencer.
Le Tribunal conclut qu’en soumissionnant au même montant, 9153-5955 Québec inc. a pris une décision d’affaires pour laquelle elle ne peut blâmer la Municipalité. Ce faisant, la Cour rappelle le principe que la connaissance des prix des soumissions reçues à la suite d’un premier appel d’offres ne constitue pas un motif pour déclarer illégal un second appel d’offres, dans la mesure où la Municipalité avait des motifs pour refuser les soumissions reçues en premier lieu.
En résumé, dans la mesure où la municipalité a un motif valable de le faire et qu’elle ne rejette pas toutes les soumissions dans le seul but d’éviter de confier le contrat au plus bas soumissionnaire lors du premier appel d’offres, une municipalité peut rejeter toutes les soumissions et retourner en appel d’offres sans crainte de voir sa responsabilité engagée.
Magazine Marché Municipal
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