Les lois municipales[1] interdisent, sauf exception, qu’une municipalité accorde une aide à toute entreprise commerciale ou industrielle sur son territoire. Bien qu’il s’agisse d’un principe d’ordre public qui vise à éviter la concurrence entre les municipalités et ultimement à préserver les fonds publics, cette règle a fait l’objet de plusieurs exceptions au fil des ans et pourrait même désormais faire l’objet d’un élargissement temporaire d’une durée de trois (3) ans en raison de la pandémie[2].
Dans la présente chronique, nous ferons un survol des pouvoirs permanents des municipalités en matière de développement économique prévus à la Loi sur les compétences municipales, ainsi que des pouvoirs temporaires qui sont proposés dans le projet de loi 67 pour permettre aux municipalités de fournir une aide additionnelle aux entreprises de leur territoire en cette période de pandémie.[3]
Les principaux pouvoirs sont au nombre de trois (3) et visent l’aide à la relocalisation d’une entreprise, l’octroi d’une aide maximale de 250 000 $ par année à une ou plusieurs entreprises et, finalement, l’aide sous forme d’un crédit de taxes.
Les deux premiers pouvoirs, soit l’aide à la relocalisation ou l’aide d’un montant maximal de 250 000 $[4] par année, sont des pouvoirs très larges et discrétionnaires conférés aux conseils municipaux. Dans ces deux cas, une municipalité peut décider d’accorder une aide ou non et peut décider de tout critère applicable à cette aide, dans la mesure où sa décision demeure raisonnable et est prise de bonne foi.
Le troisième pouvoir, soit celui d’accorder des crédits de taxes, est par contre plus circonscrit. En effet, celui‑ci ne s’adresse pas à tous types d’entreprises, mais seulement à celles visées par un règlement du gouvernement à cet effet, dont principalement les entreprises du secteur manufacturier[5]. Aussi, selon les dispositions actuelles de la Loi sur les compétences municipales, le crédit de taxes vise essentiellement à compenser une hausse de taxes suite à des travaux ou à une nouvelle occupation d’un immeuble industriel ou commercial.
L’avantage du crédit de taxes relativement au budget municipal est que celui‑ci n’entraîne pas de dépense, mais a simplement pour effet de priver la municipalité, partiellement et de manière temporaire, de certains revenus additionnels qui auraient autrement été générés par une augmentation de taxes. Selon la valeur totale du programme de crédit de taxes et la proportion du budget de fonctionnement qu’il représente, le règlement instaurant ce programme pourrait devoir faire l’objet d’une autorisation par les personnes habiles à voter et par la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation.
Avec le projet de loi 67, ces pouvoirs pourraient être élargis, mais pour une durée temporaire d’un maximum de trois (3) ans à compter de l’entrée en vigueur du projet de loi. Les pouvoirs d’aide du projet de loi 67 ne seraient pas limités aux seuls crédits de taxes, mais permettraient aussi aux municipalités d’accorder des subventions et même des prêts aux entreprises de son territoire. La notion de « prêt » utilisée par le législateur laisse entendre qu’une municipalité pourrait même transformer les taxes impayées sur un immeuble en prêt remboursable sur un maximum de trois années. Aussi, le projet de loi 67 ne limite pas les secteurs d’activité économique pouvant bénéficier de l’aide municipale, mais s’adresse à toute entreprise du secteur privé.
Par contre, à l’instar du pouvoir d’accorder un crédit de taxes traditionnel et si le programme d’aide dépasse certains montants, celui-ci pourrait devoir faire l’objet d’une approbation par la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation. À noter que contrairement au crédit de taxes usuel, le projet de loi 67 n’envisage pas l’approbation par les personnes habiles à voter, mais ajoute une consultation auprès du ministre de l’Économie et de l’Innovation. En conclusion, que ce soit en vertu des pouvoirs d’aide dont bénéficient déjà les municipalités, ou encore en vertu de ceux prévus au projet de loi 67, nous pouvons prévoir que les conseils municipaux continueront à faire l’objet de pressions au cours des prochains mois, ou pire des prochaines années, pour venir en aide aux entreprises de leur territoire aux prises avec les difficultés financières engendrées par la pandémie et l’état d’urgence actuel.
[1] Loi sur l’interdiction de subventions municipales, RLRQ c. I-15.
[2] Au moment d’aller sous presse, le projet de Loi 67 déposé le 29 septembre 2020 prévoyait ces nouveaux pouvoirs, mais n’avait toujours pas été adopté.
[3] Mentionnons que le projet de loi 67, prévoit également la possibilité pour les municipalités de constituer un fonds d’investissement destiné à soutenir financièrement des entreprises dont les revenus ont diminué en raison de la pandémie.
[4] 300,000,00$ pour les villes de Québec et Montréal.
[5] Règlement sur l’admissibilité au crédit de taxes prévu au premier alinéa de l’article 92.1 de la Loi sur les compétences municipales, c. C-47.1, r. 0.1. Ce règlement prévoit 28 rubriques d’activités économiques plus ou moins étendues en référence aux codes d’utilisation des biens-fonds (CUBF) du Manuel d’évaluation foncière du Québec.