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L’inévitable extinction des droits acquis

Publié par Louis Béland - Jean Hétu, Ad. E. PDF

Certains propriétaires aimeraient voir dans le concept de droits acquis une protection quasi constitutionnelle qui protégerait la pérennité de leurs activités malgré toute modification réglementaire. Heureusement pour les intervenants du monde municipal, ce n’est toutefois pas ce que prévoit le régime législatif des droits acquis contenu à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

Certains propriétaires aimeraient voir dans le concept de droits acquis une protection quasi constitutionnelle qui protégerait la pérennité de leurs activités malgré toute modification réglementaire. Heureusement pour les intervenants du monde municipal, ce n’est toutefois pas ce que prévoit le régime législatif des droits acquis contenu à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. À cet égard, le législateur a donné d’importants pouvoirs aux municipalités pour leur permettre d’encadrer de façon plus ou moins restrictive la subsistance des droits acquis. Les municipalités peuvent donc moduler leur réglementation des droits acquis de manière à les mener vers l’extinction à moyen, voir même à court terme, selon qu’elles adoptent ou non une réglementation restrictive en la matière.

Un exemple d’une réglementation restrictive des droits acquis nous est fourni par la décision 9056-3818 Québec Inc. c. ville de Montréal (arrondissement Côte-des-Neiges / Notre-Dame-de-Grâce) . Les faits de cette affaire démontrent que vers 2006, un sommaire décisionnel de l’arrondissement relate que la trame urbaine dans le secteur Namur/Jean-Talon (autrefois connu comme le Triangle) est déstructurée en raison d’une urbanisation spontanée. Au paragraphe 24 de sa décision, la juge de la Cour supérieure écrit que « Des rues au gabarit disproportionné sont entrelacées dans une certaine confusion alors que les activités sont aussi diversifiées que divergentes. De plus, plusieurs bâtiments ont une facture architecturale de moindre qualité que ce que l’on retrouve ailleurs dans l’arrondissement ainsi qu’à Montréal ».

L’arrondissement entreprend alors des modifications réglementaires importantes qui visent à modifier radicalement la vocation du secteur par la création d’un milieu de vie avec une occupation du sol plus dense. La proximité de deux stations de métro justifie la modification des exigences minimales de hauteur et de densité, comme le prévoit d’ailleurs le plan d’urbanisme. Au cœur de cette modification réglementaire, on retrouve une disposition qui interdit de remplacer un usage devenu dérogatoire, mais protégé par droits acquis, par un autre usage dérogatoire. Suite à ces modifications réglementaires, un établissement situé dans la zone 0034 ne pourra plus désormais être occupé par un usage de la « famille commerce ou équipements collectifs et institutionnels » que s’il est situé dans un bâtiment ayant une hauteur minimale de quatre étages. Comme le bâtiment de 9056-3818 Québec Inc. (ci après « Québec Inc. ») ne fait que deux étages, la Ville maintient que chacun des treize locaux situés dans ce bâtiment ne jouit de droits acquis qu’à l’égard de l’utilisation précise qui y en était faite au moment de l’entrée en vigueur de la modification réglementaire, soit le 4 avril 2007. De son côté, Québec Inc. s’adresse à la Cour, notamment pour faire modifier cette interprétation et faire reconnaître des droits acquis à l’ensemble des usages de la « famille commerce ou équipements collectifs et institutionnels » pour chacun des treize locaux de son bâtiment, même si celui-ci ne fait que deux étages et non quatre tel que requis par le nouveau règlement. Québec Inc. prône ici une interprétation large et libérale de la notion de droits acquis.

Les procédures entreprises par Québec Inc. sont amendées à plusieurs reprises, de sorte qu’à un certain moment Québec Inc. prétendait même que les restrictions en matière de droits acquis constituaient dans les faits une expropriation déguisée. À cet effet, il est vrai que l’interdiction de remplacer un usage dérogatoire par un autre peut entraîner de sérieux problèmes pour le propriétaire qui aura dorénavant la difficulté additionnelle de ne pouvoir recruter que des locataires exerçant la même activité que celle exercée en avril 2007, pour chaque local donné.

Québec Inc. demande notamment à la Cour d’interpréter restrictivement la nouvelle réglementation qui limite les droits acquis de Québec Inc. Or, le tribunal refuse l’interprétation restrictive demandée et déclare au contraire que vu la clarté des dispositions du règlement, celui ci ne nécessite aucune interprétation afin de rechercher l’intention véritable du Conseil. Il est clair que cette intention est ni plus ni moins que de voir l’extinction la plus rapide possible des droits acquis pour que puisse se matérialiser le plus rapidement possible la vision souhaitée par l’arrondissement pour l’aménagement de ce secteur.

Québec Inc. demande notamment que la disposition du règlement qui interdit de remplacer un usage devenu dérogatoire par un autre usage dérogatoire lui soit déclarée inopposable. Or une telle disposition réglementaire est spécifiquement autorisée par l’article 113(18) b) de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Selon la Cour, l’interdiction de remplacer des usages protégés par droits acquis après l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation exprime la volonté du Conseil d’atteindre ses nouveaux objectifs de zonage à court ou moyen terme. En reliant dans le présent cas, l’exercice de certains usages commerciaux à une hauteur de bâtiment minimale (quatre étages), la réglementation d’urbanisme met une pression sur les propriétaires et favorise ainsi fortement le redéveloppement des propriétés. Il faut voir ici que le contexte urbain, dont notamment la proximité de deux stations de métro, et les valeurs foncières élevées étaient propices à favoriser une requalification et un redéveloppement du secteur.

La décision dans la présente affaire rappelle qu’il est tout à fait possible pour un conseil municipal de venir encadrer plus ou moins strictement les droits acquis sur son territoire, de façon à en favoriser le plus possible l’extinction lorsque ceci est requis et raisonnable pour la vision d’aménagement retenue par le conseil municipal. Par contre, dans un contexte urbain différent, par exemple une municipalité dévitalisée, un tribunal pourrait juger qu’une telle réglementation très restrictive des droits acquis n’est pas appropriée. Rappelons ici qu’il s’agit de l’exercice de pouvoir discrétionnaire du Conseil et qu’en cette matière les tribunaux n’interviendront que s’il est démontré que la réglementation est déraisonnable ou a été adoptée de mauvaise foi.

Cette décision nous rappelle également qu’une municipalité peut interdire le remplacement des usages dérogatoires protégés par droits acquis par d’autres usages dérogatoires en prévoyant un texte clair à cet effet. Dans ce cas, les droits acquis dont peut bénéficier un immeuble s’évalueront local par local et non pas de manière générale pour l’ensemble du bâtiment. Naturellement une telle façon d’interpréter et de restreindre les droits acquis pourra entraîner des pertes économiques importantes pour un propriétaire. Par contre, à moins qu’il ne s’agisse d’une négation absolue du droit de propriété comme l’exige la jurisprudence , il faudra conclure qu’il ne s’agit pas d’expropriation déguisée, mais bien plutôt de l’expression des aspirations légitimes d’un Conseil relativement à l’aménagement de son territoire, ou d’une partie de celui ci.

  1. 2021 QCCS-29.
  2. À titre d’exemple, voir l’arrêt du 28 janvier 2021 de la Cour d’appel dans Ville de Lorraine c. 9398-2585 Québec inc., 2021 QCCA 167.
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