Ceci se reflète d’ailleurs dans le titre du projet de loi : Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique.
Toutefois, ce projet de loi contient d’autres mesures importantes, dont notamment un nouvel outil de financement des infrastructures municipales qui pourrait s’avérer fort intéressant si le projet de loi est effectivement adopté.
En effet, ce projet de loi permettrait dorénavant aux municipalités d’assujettir tout nouveau projet de développement non seulement à une entente relative aux travaux municipaux, mais aussi au paiement d’une contribution destinée à financer l’accroissement futur des services municipaux qui seront requis par ce nouveau projet. Cette contribution est communément appelée frais de croissance.
Certains ont qualifié ces dispositions du projet de loi 83 de « clause Gatineau » vu la décision rendue le 16 mars 2016 par laquelle la Cour supérieure a annule les frais de croissance imposés par la Ville de Gatineau en l’obligeant à rembourser une somme de 4.2 millions de dollars qu’elle avait perçue à ce titre auprès de promoteurs.
Dans cette affaire, le Tribunal a jugé que les dispositions actuelles de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme concernant les ententes relatives aux travaux municipaux ne permettent pas à la Ville de Gatineau d’imposer un frais de croissance pour des infrastructures futures qui pourraient être requises suite à un nouveau projet de développement. Selon la Cour, la loi ne permet actuellement que le financement des infrastructures visées par le projet comme tel. On ne peut donc actuellement exiger de contribution pour les besoins en infrastructures qui seront générés par ce nouveau projet, par exemple la construction d’une nouvelle caserne de pompiers ou encore l’augmentation de capacité de l’usine de filtration.
Or, le projet de loi 83 prévoit des amendements aux articles 145.21 et 145.22 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme afin de permettre spécifiquement d’exiger le paiement d’une contribution destinée à financer « tout ou partie d’une dépense liée à l’ajout, l’agrandissement ou l’amélioration d’infrastructures ou d’équipements municipaux requis pour assurer la prestation accrue de services municipaux découlant de l’intervention visée par la demande de permis ou de certificats. ».
Bien que la modification législative soit concentrée sur seulement 2 articles de lois, elle a donné lieu à plusieurs heures de débat en commission parlementaire et aussi à de nombreuses demandes d’amendements.
Il faut voir qu’à l’heure actuelle, de telles contributions existent dans d’autres provinces, telle l’Ontario où celles-ci portent le nom de redevances d’aménagement et font l’objet d’un encadrement beaucoup plus rigoureux et détaillé que les 2 nouveaux articles du projet de loi québécois.
Parmi les amendements proposés en commission parlementaire quant au nouveau régime des frais de croissance, mentionnons qu’il a été suggéré que leur justification soit mieux encadrée et que les services municipaux admissibles soient davantage définis. Aussi, on a proposé que ces contributions puissent faire l’objet d’une révision sommaire devant la Commission municipale, afin d’éviter les risques de contestations judiciaires devant les tribunaux de droit commun qui peuvent s’étirer sur plusieurs années, comme ce fut le cas pour Gatineau.
Il sera donc intéressant de voir au courant des prochaines semaines si, d’une part le projet de loi verra le jour et d’autre part, comment sera articulé ce nouveau régime qui sera dorénavant connu comme étant celui des « frais de croissance » bien que cette expression ne soit pas utilisée comme telle par le législateur.